Décennie 1964 - 1973
Un regard sur l'AGEVP d'il y a 40, 50 ans (Partie 2)
(suite de la partie 1)
Pendant ces 2 années de troubles politiques, l’impact sur l’AGEVP est évident avec d’abord, une arrivée massive des étudiants en France puis, en raison des ruptures diplomatiques, leur détour vers des pays comme la Belgique ou la Suisse.
En raison de la forte opposition des sympathisants communistes, ce n’est que vers la fin de 1963 qu’un Comité provisoire a pu se former pour représenter les étudiants. Le noyau du Comité est composé de membres dynamiques issus du groupe politique « Indépendance » 7. En 1964, ils ont réussi à monter un camp d’été à Sète, dans le sud de la France. Sur la lancée, à l’automne quelques mois plus tard, ils ont formé une liste pour participer à l’élection du Bureau exécutif de l’AGEVP. C’est ainsi que M. Nguyễn Trọng Huân a été élu président de l’AGEVP pour le mandat 1964-1965 et c’est également ainsi que 1964 a été retenue comme année de création de l’association 8.
Le plus grand mérite revient donc au groupe politique « Indépendance » dans la création de l’Association Générale des Etudiants Vietnamiens de Paris. Il faut cependant ajouter que dès le mandat 1965-1966 de M. Nguyễn Gia Kiểng, les générations d’étudiants arrivés en France au début des années 1960 ont pris en main les destinées de Tổng Hội en l’extirpant hors des influences du groupe « Indépendance ». Ce sont plutôt eux qui ont forgé cet unique esprit noble qui a ensuite perduré au sein de Tổng Hội bien longtemps après leur départ de l’association pour rentrer servir le pays dans les années 1972-1973. Leur retour atteste de la réalité d’un mouvement de rapatriement qu’ils ont eux-mêmes initié et qui n’existait pas auparavant.
Le contexte historique particulier du Vietnam à cette époque a poussé Tổng Hội à endosser un rôle non ordinaire sortant du cadre amical d’une association d’étudiants telle qu’elle devait l’être. Tổng Hội a dû non seulement définir clairement une position politique nationale mais aussi s’engager dans la lutte entre les parties nationaliste et communiste. Le fait étonnant c’est que, ces aînés qui ont ouvert la voie, l’ont fait de façon naturelle, en adéquation avec les grosses difficultés imposées par la situation. Bien que n’étant pas formés pour un rôle au-delà de leur capacité, ils ont appris ensemble et ont concrétisé le concept de « la puissance de l’unité ».
Alors que les gouvernements successifs au pays sont sur le déclin, c’est plutôt miraculeux que soudainement à Paris, des étudiants dotés d’une grande conscience se sont rencontrés et ont eu le courage de prendre leur responsabilité pour clarifier les idéaux nationalistes, allant à l’encontre de la tendance facile et hypocrite de l’époque qui consistait à suivre la propagande « Combattre les américains, Sauver le pays ». Peut-être que dans leur cas, c’est « tel comportement pour telle situation » qui s’applique.
Tổng Hội a ainsi évité à certains étudiants du Sud de tomber dans le piège d’un patriotisme exploité et poussé dans la mauvaise voie. L’association devient un milieu propice à l’édification d’une conscience politique. L’étudiant venu initialement pour pratiquer un sport ou assister à un spectacle aura progressivement l’opportunité de faire plus ample connaissance avec des camarades disposant d’une conscience plus élevée, faisant évoluer sa propre façon de penser par mimétisme, ce qui est somme toute une loi naturelle qui se rapproche du proverbe « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es ». Nul besoin d’étudier telle ou telle théorie. Ce serait d’ailleurs plus approprié avec la personnalité du nationaliste, épris à la base de liberté et plutôt réticent envers toute contrainte ou tout embrigadement excessif.
L’AGEVP n’est pas un parti politique et ne se donne pas pour objectif de le devenir. Cependant, à travers leurs actions, les membres de Tổng Hội ont su se plier à une discipline de fer, une discipline qu’ils se sont imposés eux-mêmes. En particulier, les caractéristiques comme le volontariat ou le sens de l’initiative ont trouvé un terrain propice pour se développer, conduisant à une richesse créative. Ainsi, nous n’avons manqué ni d’organisation ni de solidarité et ensemble, nous avons réussi des choses remarquables qui dépassent la nature d’une association d’étudiants.
L’arrêt en 1965 des arrivées en France pour études pourrait expliquer en partie pourquoi une majorité du Bureau 1969-1970 a dû rester pour gérer les affaires courantes car il n’y a pas eu parmi les plus jeunes de personnes prêtes à assurer la continuité. Ainsi, les deux anciens vice-présidents du Bureau sortant, Nguyễn Ngọc Danh et Phạm Tất Đạt, ont été promus co-présidents. Cette difficulté n’est survenue qu’une seule fois durant l’exercice 1970-1971 car les étudiants qui sont venus en Belgique ou en Suisse en 1965 ont fini par passer en France continuer leurs études.
A considérer qu’il faut compter 2 à 4 ans pour qu’un étudiant nouvellement arrivé puisse se trouver en condition de participer activement à un Bureau exécutif de Tổng Hội, nous pouvons retrouver 2 cas typiques en la personne de Phan Văn Hưng et Nguyễn Như Lưu, membres du Bureau 1971-1972 dirigé par Đỗ Ngọc Bách. Ils représentent vraiment la génération suivante au moment où plusieurs de leurs aînés, ceux que je nomme par la génération I de Tổng Hội, ont quitté la France pour rentrer au pays.
Il est possible de considérer ce Bureau 1971-1972 comme point de départ pour édifier la génération II de Tổng Hội. Personne ne savait alors que cette génération II a dû mener l’association à travers les événements dramatiques de Mars et d’Avril 1975 pour la hisser ensuite à un rôle historique majeur jamais soupçonné.
Même lors de ma participation au Bureau 1969-1970 et par la suite, je n’ai jamais eu de formation politique. Ma seule leçon politique apprise dans le cadre de Tổng Hội l’a été durant la nuit du Têt début 1976 lorsque les cris « Nous sommes toujours là ! » se sont mêlés aux paroles tragiques des chansons écrites par Phan Văn Hưng, devenu plus tard un talentueux auteur-compositeur.
L’esprit et les idéaux nationaux sont apparus intacts et plus purs que jamais car débarrassés des individus qui les ont abusivement accaparés. Ils ont nourri et continuent de nourrir la détermination de la génération II symbolisée par les Hưng, Lưu, Hương, Dung, Tố, Bá, Trung, Giáp, Liêu, Sơn, Chí, Nhơn, Bảo, Nam, Thanh, Tuấn, H.Vân, … (pardon d’avoir omis de citer certains jeunes que je connais moins). Tous ont également fait des efforts, des sacrifices remarquables et mémorables pour donner naissance à Nhân Bản, le premier mensuel en langue vietnamienne hors du pays. Ceci afin de clamer l’espoir et la foi en ce jour où l’humanisme imprégnera le peuple vietnamien.
Quoi de mieux pour nous faire penser à Tổng Hội II que cette image des uns et des autres assis par terre dans le petit appartement de Hưng afin de trier et plier le magazine durant une bonne partie de la nuit ?
Maintenant, en jetant un regard vers le passé, je ne sais pas quand a eu lieu le passage de témoin entre Tổng Hội II et Tổng Hội III et probablement nous sommes déjà passés aux générations IV, V voire plus. Quoi qu’il en soit, je sais que l’Association Générale des Etudiants Vietnamiens de Paris continue d’exister dans un rôle plus adapté à la réalité qui l’entoure. Et le plus important c’est qu’il reste toujours l’esprit Tổng Hội, cet esprit des jeunes conscients de leur responsabilité, sachant s’engager et faire des sacrifices ensemble pour le bien de la collectivité sans pour autant penser à leurs intérêts personnels.
L’esprit pur et flamboyant de Tổng Hội éclaire ainsi la voie.
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Bùi Ngọc Vũ
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