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Décennie 1994 - 2003

La vie associative n'est pas un long fleuve tranquille

La décennie 1994-2003 marquait une période turbulente pour l’AGEVP.

Sur le plan politique, l’ouverture économique du Vietnam a porté un coup à l’esprit de lutte. Une part de plus en plus importante de Vietnamiens exilés se fut retourné au pays pour des raisons familiales, ou pour tourisme ou affaires.

Ce retour des Vietnamiens, certains arrivés à l’étranger en tant que réfugiés, a servi de prétexte à la fermeture progressive des camps de refugiés en Thaïlande et ailleurs. Les programmes d’aides aux réfugiés se réduisaient chaque année un peu plus que la précédente. Parler de lutte pour la liberté au Vietnam était considéré comme faire de la politique et les jeunes n’étaient plus attirés par l’AGEVP, préférant aller vers des associations dites apolitiques. L’esprit de lutte et de résistance qui galvanisait les membres de l’AGEVP était devenu son handicap.

Des associations nouvelles ou existantes se sont renforcées grâce à cette nouvelle vision. Ainsi l’AGEVP se retrouvait concurrencée, ou fortement challengée comme on dit aujourd’hui, par ces associations qui, dans certains cas, se sont regroupées pour organiser de nouvelles activités. On peut citer les plus dynamiques d’entre elles comme Hội Quang Trung (Alliance Culturelle et Scientifique Vietnamienne), Thư Viện Diên Hồng (Bibliothèque Diên Hồng), Hội Ái Hữu Người Việt vùng Bắc Paris (Amicale des Vietnamiens du Nord de Paris), Lớp Hoang (Ecole Sauvage), Sampan Lychee, etc.

L’affluence des soirées du Têt, bien que toujours appréciées, diminuait fortement. A cette époque, les spectacles de l’Amicale des Vietnamiens de Paris-Sud (Hội Ái Hữu Việt Kiều vùng Nam Paris), encore appelée “Orsay”, avaient les faveurs du public. En plus de celles organisées par l’ambassade communiste, les soirées du Tết de l’AGEVP se retrouvaient ainsi avec une concurrence supplémentaire.

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Les ressources humaines diminuaient, les ressources financières se tarissaient, le prix de la location du Palais de la Mutualité augmentait, l’AGEVP s’était vue alors contrainte de quitter “Maubert” pour le Palais des Arts et des Congrès d’Issy-les-Moulineaux (PACI pour les intimes). L’idée traînait dans l’air depuis un certain temps et la décision a été prise en 1995, dernière année du “Tết Tổng Hội” à “Maubert”.

En 1996 donc, pour à peu près le même budget de location, l’AGEVP a pris intégralement possession du PACI, du sous-sol au plafond, pour un festival du Têt qu’elle voulait grandiose.

Ce fut une grande réussite. La foire du Têt occupait à la fois le rez-de-chaussée et le premier étage avec un espace d’accueil dédié aux personnalités. Elle avait également une petite scène pour un orchestre ou toutes sortes de démonstration. La salle de spectacle n’avait plus la contrainte de se transformer à minuit, comme Cendrillon, en salle de bal. Ainsi, il n’était plus question de supprimer des numéros en cas de retard par rapport au planning horaire, ce qui générait toujours des drames en coulisses. Deux ambiances de bal étaient proposées, une pour les danses de salon (pour les vieux selon les jeunes) et une autre pour la tendance techno (pour les jeunes selon les vieux).

Autre difficulté qu’a connue l’AGEVP à cette époque et non la moindre, le quartier de son siège du 52-54 rue du Château des Rentiers dans le 13ème arrondissement entrait en rénovation en 1995, l’AGEVP s’était alors retrouvée sans base pour préparer ses activités. Elle n’avait plus qu’une boîte aux lettres au Centre des Deux Moulins sis au 185-187 rue Château des Rentiers, dans un premier temps, puis une deuxième au bureau de La Poste près de la Place d’Italie. Ce ne sera qu’en fin 1997 que l’AGEVP s’était vue proposée un local au 132 avenue d’Italie comme siège et qui l’est encore en 2024.

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Malgré ces événements contraires, l’AGEVP a su tenir bon en faisant le dos rond pour ensuite rebondir. Ainsi les festivals du Tết étaient redevenus attractifs à partir de 1996. En 1996, l’AGEVP a également initié et entraîné un certain nombre d’associations dans le cadre du projet Asiathon afin de contribuer à la campagne du Téléthon pour financer la recherche contre les maladies orphelines. Des concerts classiques, des spectacles multi-culturels avec la présence d’associations vietnamiennes, indiennes et chinoises ont eu lieu à divers endroits de la région parisienne, des démonstrations d’arts martiaux ont été organisées en plein air au Château de Versailles et sur la Place d’Italie (Paris 13) afin d’appeler aux dons.

La Une du mensuel Nhân Bản d'Avril 1997 avec l'interview du tout dernier président de la République du Vietnam

Le mensuel Nhân Bản continuait à paraître dans des conditions matérielles et financières difficiles. En 1997, à l’occasion de la commémoration du 30/04, l’équipe éditoriale avait même réussi le tour de force d’interviewer Dương Văn Minh, dernier président de la République du Vietnam, qui n’accordait sa parole à aucun organe de presse vietnamienne depuis la chute de Saigon. Cet exploit remit de nouveau Nhân Bản sur le devant de la scène dans le monde entier.

Toujours en 1997, l’AGEVP organisa les 32èmes Olympiades des Vietnamiens en Europe. Ces semaines de rencontres sportives cesseront d’exister à partir de 2000. Non contente d’organiser ces jeux, elle a aussi organisé en parallèle le Festival Euro- Vietnamien de Musique (Đại Hội Nhạc Trẻ), concours de chants et de musique dont les membres du jury étaient tous des artistes de renom, notamment le très célèbre compositeur Phạm Duy qui venait exprès des Etats-Unis ainsi que Trường Kỳ une figure du pop-rock vietnamien. Les groupes de musique arrivaient de toute l’Europe pour concourir. L’ambition était de réunir les sportifs et les artistes vietnamiens en Europe au même moment à Paris. Les remises des médailles et des prix au même endroit. Deux manifestations de stature européenne en même temps, peu d’association peut se targuer de cette capacité.

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Organisateurs, membres du jury et groupes candidats entourant Saigon Band, le groupe vainqueur du 1er Festival Euro-Vietnamien de Musique

L’année suivante, en 1998, l’AGEVP organisa la commémoration du cinquantenaire du drapeau républicain vietnamien. Encore une grande réussite dont la portée allait bien au-delà de la France.

En 1999, l’AGEVP a profité des immenses trottoirs devant son siège pour organiser “sa” Fête de la musique sur l’avenue d’Italie en installant une scène et une buvette. Cet événement a marqué son ancrage dans le quartier et auprès de ses habitants.

Parmi d’autres hauts faits de la décennie (qu’on ne peut tous citer) : la nuit des “Mille bougies pour le Vietnam” sur l’esplanade du Trocadéro (1999), la participation au défilé du Nouvel An lunaire dans le 13ème avec les commerçants et associations du quartier asiatique (2000).

Aujourd’hui, en 2024, en regardant en arrière, force est de constater que beaucoup d’associations ont cessé leurs activités. Seule l’AGEVP est encore debout portant haut son slogan “Ta còn sống đây !”. Elle a toujours su faire face à l’adversité, même au plus profond du creux de la vague, pour finir par flotter de nouveau sur les flots à la voilure grande déployée. Répondant ainsi fièrement à la devise de Paris, “fluctuat nec mergitur“.

Nguyễn Gia Hiển

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