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Décennie 1974 - 1983

Soirée du Tết 1976 "Nous sommes toujours là"

Des souvenirs collectifs inoubliables

La soirée du Tết 1976 occupait une position unique parmi les 60 fêtes du Tết pourtant toutes très élaborées et brillantes de l’AGEVP.

Tout d’abord, c’était la première soirée du Tết après les événements du 30 avril 1975, organisée pendant une période où l’esprit de tous les compatriotes d’outre-mer, y compris nos camarades de l’AGEVP, était empreint d’une grande inquiétude, ne sachant pas quel serait leur avenir et le destin de leurs proches. La soirée du Tết 1976 était comme un marqueur de la renaissance du mouvement de lutte pour la liberté et la démocratie à l’étranger, symbolisée par le thème “Nous sommes toujours là !” et par l’image du drapeau jaune à trois bandes rouges flottant devant le public pour la première fois depuis le 30 avril 1975.

Ensuite, cette soirée du Tết 1976 célébrant l’année du Buffle était d’une totale réussite, tant en termes d’affluence record dans l’histoire de l’AGEVP que pour sa qualité artistique. Elle a laissé une empreinte profonde dans le cœur des spectateurs comme dans celui des organisateurs de l’AGEVP. Se déroulant au Palais de la Mutualité, en plein cœur de Paris, qui était alors la capitale de la communauté vietnamienne à l’étranger, cette soirée du Tết avait suscité une grande résonance et une énergie considérable, inaugurant le début d’une période d’activité très dynamique pour les membres de l’AGEVP, définissant un cap clair, spécifiquement pour l’association et globalement pour la communauté vietnamienne à l’étranger.

Finalement, la soirée du Tết 1976 était la première fois que l’AGEVP présentait des chansons qu’elle avait elle-même composées pour répondre aux changements de sentiments des Vietnamiens, inaugurant un mouvement de création artistique très dynamique avec la fondation du Groupe de création de l’AGEVP devenu plus tard Groupe littéraire Lam Sơn.

Vous retrouverez ici les impressions de certaines personnes qui ont participé à cette soirée du Tết, du côté du public ou comme organisateurs.

Cette année-là, c'était la première fois que je participais à une activité principale de l'AGEVP. Une amie m'a traîné dans l'équipe d'accueil. J'avais seulement 20 ans et cette équipe d'accueil était composée principalement de filles, les garçons ne comptant qu'une dizaine d'éléments. En tant que membre du service accueil, j'avais eu l'opportunité d'être dans la salle lors de l'ouverture du rideau. Le salut au drapeau de la République du Viêt Nam constituait un moment très émouvant. Je me trouvais à proximité d'autres spectateurs et j'entendais de nombreux sanglots.

Aujourd'hui, près d'un demi-siècle plus tard, en me rappelant comme si c'était hier, je ressens toujours une profonde émotion. Le Tết 1976 était la première fois pour moi de saluer le drapeau après le 30 avril 1975 et ma première participation aux activités de l'AGEVP. C'était aussi la dernière fois que j'avais pu assister au Tết en tant que spectateur, car les années suivantes, je rejoignais l'équipe d'organisation et je n'avais plus jamais l'occasion de regarder le Tết depuis la salle.

Nguyễn Lưu Bảo service d'accueil

Au cours de cette soirée, 2 scènes avaient créé un impact considérable sur le public, à savoir l'ouverture et la conclusion du programme artistique. Au début, on avait une Danse de la licorne suivie par la chorale qui chantait 2 œuvres pleines de significations profondes. La première était "La marche des étudiants d'outre-mer" (Sinh viên hải ngoại hành khúc) affirmant la présence d'une force étudiante vivant à l'étranger, la seconde était "Vietnam, patrie majestueuse" (Việt Nam quê hương ngạo nghễ) arrangée par le père Ngô Duy Linh.

Après la chorale, au tour du président de l'association Trần Văn Bá de prononcer un discours pointu et porteur de sens qui pénétrait profondément dans le cœur du public. Venait ensuite une minute de recueillement qui portait en elle-même une haute signification : après avoir affirmé notre identité, notre position, nous proposions ensuite la poursuite de la lutte pour la liberté et la démocratie en commémorant celles et ceux qui ont sacrifié leur vie pour cette lutte. Il n'y avait pas de recueillement lors des précédentes soirées du Tết qui étaient des moments de joie. Pour ce recueillement, Nguyễn Văn Lộc s'était avancé, portant le large drapeau jaune et chantant "L'âme du soldat tombé" (Hồn tử sĩ), une chanson très appropriée. A ses côté, Bá se tenait immobile. Cette image profondément significative n'évoquait pas un simple moment de recueillement mais une affirmation de notre propre politique.

Phan Văn Hưng responsable artistique

Il y avait beaucoup de monde à cette soirée du Tết. Cette année-là, je faisais partie du Service d'ordre. Le Palais de la Mutualité avait moins de 2000 sièges mais, à mon estimation, on devait avoir au-dessus de 3000 personnes à l'intérieur et à l'extérieur de la salle de spectacle. A un moment, le responsable chargé de la sécurité incendie nous convoquait pour nous exprimer ses inquiétudes en terme de sécurité et nous demandait de réduire le nombre de spectateurs en sortant certains d'entre eux. Devant notre refus et après de longues négociations, il nous obligeait à poster 2 personnes devant chaque porte d'entrée pour empêcher les spectateurs de les bloquer.

Dans la salle, toutes les places étaient occupées. Au balcon, d'ordinaire les sièges se trouvant sur les ailes étaient délaissés par les spectateurs car ils donnaient peu de visibilité sur la scène. Pourtant, cette fois-là, ils étaient tous occupés. De nombreuses personnes étaient assises à même le sol. Au rez de chaussée en fond de salle entre les sièges et les portes de sortie, l'espace vide était également bondé de personnes debout, peut-être jusqu'à 15 rangées, toutes immobiles et silencieuses pour suivre le spectacle. De temps à autre, je sortais à l'extérieur du Palais qui était également très fréquenté, les gens ne pouvaient pas entrer mais restaient quand même dans la rue.

Lê Như Bá service d'ordre et responsable de la scène de danse des épées

Ce Tết comportait beaucoup de moments d'émotion intense. A l'issue du programme artistique, en sortant du Palais, je rencontrais une connaisance accompagnée de 2 autres amis, ces 3 personnes étaient d'anciens colonels ou lieutenants-colonels de l'armée de la République du Vietnam. Pour moi, ces messieurs faisaient partie de la génération aînée, des personnes sérieuses, mûres et expérimentées. Pourtant, bras dessus bras dessous, ils s'avançaient comme des gens ivres, chantant à tue-tête "Nous sommes toujours là, nous sommes toujours là !". Je trouvais la scène à la fois étrange et amusante mais tellement émouvante.

Nguyễn Như Lưu responsable de la presse

Je faisais partie de la chorale et lorsque le rideau s'était levé, face à un public vraiment nombreux, j'étais à la fois très heureuse, émue et inspirée. Lors du salut au drapeau, le public s'était levé en chantant en chœur, c'était vraiment émouvant. Même en y repensant maintenant, ça me donne encore des frissons.

Nguyễn Thị Thu Hương section artistique et costumière

C'était la première fois que le drapeau national était présenté devant le public et que l'hymne national retentissait, avec tout le monde chantant ensemble. C'était un moment très marquant dans l'histoire de l'AGEVP. Sur scène, nous étions autant émus que le public. Au cours d'une vie de performances sur scène, je n'avais jamais ressenti une émotion aussi intense. Dans la salle, les gens pleuraient, applaudissaient, criaient et sur scène, nous aussi, nous chantions les yeux en larmes. Lorsque le drapeau était hissé, tout le monde se laissait envahir par ses émotions.

Phan Văn Hưng responsable artistique

Lors de l'organisation du Tết en 1976, la situation financière de l'AGEVP était très précaire et nous n'avions pas beaucoup de soutiens. Les années précédentes, nous empruntions une grande salle à l'Institut franco-vietnamien sur la rue Saint Jacques pour répéter, mais cette année-là, cela n'était plus possible. Le siège de l'association au-dessus du foyer Monge était également sur le point d'être repris.

Un jour, alors que j'étais de permancence au siège, un certain monsieur Bản venait visiter les lieux, se présentait et s'enquérait de la situation de l'AGEVP. Devant mon inquiétude quant au fait que l'association n'avait plus de lieu pour ses activités, il avait promis d'aider à trouver un endroit. Quelques jours plus tard, il m'emmenait rencontrer un prêtre catholique, et c'est ainsi que nous avions pu louer l'emplacement au 35 rue Saint Roch pour répéter le Tết.

Par la suite, il nous avait également aidé à trouver un lieu pour organiser le Têt Trung Thu en 1978 près de Denfert Rochereau. Voilà quelqu'un qui nous était encore inconnu auparavant était soudainement apparu pour nous aider dans l'adversité. Cette année-là, l'AGEVP ne recevait aucune aide financière et sa propre trésorerie n'avait plus un sou pour organiser le Tết. Lê Văn Tiềng, en charge de la billetterie, avait suggéré de doubler le prix des places numérotées et devant mes réserves, m'avait assuré de pouvoir toutes les écouler.

Pour couvrir les frais d'organisation, nous avions commencé à vendre les billets plus tôt que d'habitude, et toutes les deux semaines, je rencontrais Lê Văn Tiềng pour obtenir l'argent nécessaire à l'organisation. À chaque fois, il remplissait pleinement sa tâche. La soirée du Tết 1976 était une grande réussite tant populaire que financière, permettant à l'AGEVP de disposer des fonds conséquents pour continuer ses activités.

Lê Tất Tố président du Comité d'organisation

Cette année-là, j'étais la trésorière de l'organisation et nous devions être très stricts en matière financière. Je n'acceptais de rembourser les montants avancés que sur présentation des factures les justifiant et même quand certains cas me peinaient beaucoup, je me devais de respecter les principes. Les années précédentes, les contributeurs à la soirée recevaient tous un billet d'entrée afin d'inviter un proche, mais cette année-là, le comité d'organisation a décidé de ne plus offrir de billets, car il n'y avait pas assez de places pour le public.

Trần Ngọc Ánh trésorière et pianiste

Après le 30 avril 1975, nous, les étudiants, étions dans un état d'esprit très angoissé. Nous étions très jeunes, âgés de 18 à 22 ans, la plupart vivant seuls, loin de nos familles. Certains d'entre nous avaient reçu de tristes nouvelles de leur famille et de nombreuses histoires tragiques circulaient.

Par exemple, moi-même à l'époque, je ne savais pas si ma famille avait réussi à fuir et où elle se trouvait. En partant étudier à l'étranger, mon but était de réussir et de revenir dans mon pays, mais maintenant je ne savais plus où situer le chemin du retour. Peut-être, vivre à l'étranger pour toujours et ne jamais revenir dans mon pays ? Faut-il devenir français pour de bon ? C'étaient de grandes interrogations car au moment de partir étudier à l'étranger, je considérais toujours ma vie future au Vietnam.

Phan Văn Hưng responsable artistique

Faisant partie de l'équipe chargée des costumes, je devais confectionner les costumes traditionnels 'bà ba' pour la chorale. Au début, j'avais réalisé 50 ensembles pour la répétition générale mais ce n'était pas suffisant, nous avions dû acheter plus de tissu au Marché Saint Pierre pour en confectionner d'autres. Au final, pour la chorale seule, on avait déjà plus de 100 ensembles 'bà ba'.

Nous avions dû transporter les rouleaux de tissus en métro car personne n'avait de voiture à cette époque et nous devions faire plusieurs trajets pour tout transporter. En plus des costumes traditionnels, il fallait fabriquer également des tenues pour les danses et les autres scènes. Bien que n'ayant jamais de toute notre vie dessiné de modèles, nous nous devions réussir à les créer. Les derniers jours, n'ayant plus le temps de coudre tous les boutons, nous avions dû demander l'aide des aînés qui avaient ainsi travaillé toute la nuit pour tout terminer. Bien qu'étant en pleine période des examens, mais voyant les aînés travailler si dur, j'avais également décidé de me consacrer entièrement à la tâche.

Phan Bảo Vân chanteuse et costumière

Cette année-là, le service d'accueil était très nombreux, environ plus de 100 filles et une dizaine de garçons dont la tâche était essentiellement de porter les magazines. L'année précédente, le service était également fourni en effectif, environ quelques dizaines de personnes, mais en 1976, il était devenu plus important. Nous étions répartis en 5 zones, 3 en bas et 2 en haut, chaque zone avait un responsable pour coordonner. Comme tout le monde voulait être en bas où il y avait plus d'ambiance, un roulement était mis en place. Au bout d'un certain temps, ceux d'en haut devaient échanger de place avec ceux dans bas.

Le service d'accueil avait pour mission de gérer les places et de vendre les magazines. Le responsable de la presse nous avait demandé de faire de notre mieux pour vendre les magazines car cette année-là, ils étaient imprimés dans une imprimerie professionnelle et les frais étaient élevés. Vendre les magazines n'était pas facile, beaucoup de gens faisaient mine de marchander, probablement juste pour discuter avec nous les filles

Lê Thị Hồng My responsable du service d'accueil

Cette année-là, je vivais au foyer Lutèce (cư xá Đất Việt) et je ne connaissais pas encore bien l'AGEVP. Trần Văn Bá était venu au foyer pour recruter quelques jeunes comme nous pour rejoindre le service d'ordre. Nous étions nombreux à nous rendre à pied jusqu'au Palais de la Mutualité qui n'était pas loin. J'étais un peu angoissé, car si des bagarres éclataient, je ne serais pas à la hauteur, mais en voyant autant de camarades, j'étais rassuré. Je voyais également quelques visages qui me semblaient familiers, debout en train de boire dans un café près du théâtre sans entrer, probablement des membres de l'ombre du service d'ordre. Ce quartier étant assez brûlant avec la présence de gauchistes français, il y avait probablement des éléments de l'Union Générale des Vietnamiens (Liên Hiệp Việt Kiều) ou leurs acolytes venus pour observer voire pour créer des perturbations.

Le service d'ordre était une voie de recrutement très efficace de l'AGEVP tout comme le service d'accueil : les garçons étaient orientés vers le service d'ordre, les filles dirigées vers le service d'accueil. Les membres visibles portant un badge du service d'ordre devaient approcher les 200 personnes sans compter un nombre inconnu d'éléments travaillant dans l'ombre. Ces derniers n'avaient pas de badge et étaient répartis dans les alentours afin de déceler tout risque de trouble.

Vũ Quốc Thao service d'ordre

Le thème "Nous sommes toujours là" (Ta còn sống đây) était tiré du titre d'une chanson d'un groupe d'artistes vietnamiens avant 1975 appelé Đoàn Văn công Chí Linh. En voyant le titre de la chanson, nopus imaginions ce que nous devions faire car à l'époque, le régime du Sud Vietnam étant renversé, il ne nous restait plus rien et il n'y avait pratiquement plus aucune organisation à l'étranger. Par l'expression "Ta còn sống đây", nous voulions signifier que nous avions encore notre avenir, que nous voyions toujours clairement notre chemin futur.

L'interprétation de cette excellente chanson avait touché fortement le cœur du public. Dans cette chanson, on entendait plusieurs personnes se relayer, des voix masculines, des voix féminines en solo et entre celles-ci, des passages de chant choral, captivant fortement l'attention du public.

Trần Ngọc Giáp responsable artistique adjoint

Avant 1975, nous utilisions beaucoup de chansons composées au pays. Il y avait de nombreuses chansons de lutte ou de patriotisme. Mais après 1975, l'état d'esprit des Vietnamiens avait changé complètement. Certaines chansons utilisées auparavant n'étaient plus appropriées, impossible de les reprendre. Par exemple, les chansons de style "nomade" (Du Ca) dont certains compositeurs s'étaient révélés plus tard des partisans communistes. Même les chansons patriotiques n'étaient plus assez attractives. A ce moment-là donc, nous ressentions le besoin de créer nos propres chansons.

Au cours de la soirée du Tết 1976, nous avions pour la première fois initié notre mouvement de création de chansons. A l'instar de la chanson "Qui aime encore mon peuple ?" (Còn ai thương dân tôi') interprétée par Thanh Trúc, les paroles étaient basées sur un poème composé par Đinh Tuấn, qui, bien que très jeune à l'époque, écrivait des poèmes remarquables et je l'avais mis en musique. Cette chanson pouvait être considérée comme l'une des premières compositions propres à l'AGEVP. Ou encore, la chanson "Notre chemin" (Đường ta đi), poème de Lương Y Khoa, qui était également très jeune mais écrivait des paroles très significatives, touchant profondément l'âme de tout un chacun. Ces chansons avaient vraisemblablement jeté les bases du Groupe de création de l'AGEVP qui deviendra plus tard le Groupe Littéraire Lam Sơn.

Phan Văn Hưng responsable artistique

En 1976, pour la première fois, l'AGEVP avait fait imprimer le magazine du Tết suivant la technique d'impression offset à l'instar de la presse professionnelle, cela nous avait obligé à résoudre de nombreuses problématiques. N'ayant même pas de machine à écrire électrique, nous avions dû en louer une. Celle-ci n'étant pas en mesure de frapper des accents vietnamiens, nous étions obligés de les mettre manuellement.

Ne connaissant aucune imprimerie mais grâce à la recommandation d'un ami, nous avions décidé de nous adresser à une imprimerie basée à Dreux, à environ 100 km de Paris. Le contenu du magazine était assez simple car seuls les jeunes écrivaient, mais la mise en page de Trần Đình Thục était magnifique. A l'approche du lever de rideau et en regardant depuis les coulisses, nous avions pu apercevoir les jeunes filles de l'accueil, splendides dans leurs tuniques vietnamiennes, déambuler dans la salle, les bras chargés de magazines de couleur rouge vif, cette vision nous avait réchauffé le cœur comme devant un paysage de notre terre natale.

Nguyễn Như Lưu responsable de la presse

Un fait avait également marqué les esprits du public, c'était l'attitude des acteurs. Les chanteurs n'étaient pas présentés, ils arrivaient sur scène sans saluer et à l'issue de leurs performances, ne remerciaient pas non plus. Ils portaient des tenues simples, des "bà ba", afin de se confondre avec la scène en cours, ils se tenaient debout sans gesticuler. Cette attitude, ce style était un choix.

Ce jour-là, à la fin d'une chanson, la salle applaudissait à tout rompre. Les applaudissements avaient duré longtemps, peut-être jusqu'à une dizaine de minutes, les premières rangées étaient toutes debout et sur scène, nous étions euphoriques.

Đỗ Đăng Liêu comité d'organisation

Le final du programme artistique était déjà largement abordé. Mais avant, il y avait une assez longue pièce de théâtre qui commençait en fait en première partie pour continuer sur la seconde partie du programme. A la fin de cette pièce, il y avait une Danse avec des chaînes pour signifier que le peuple était enchaîné et entravé. Après cette danse, Thanh Trúc avait chanté "Qui aime encore mon peuple ?" (Còn ai thương dân tôi) évoquant la souffrance du peuple. Juste après, il y avait la chanson "Il faut se soulever" (Phải vùng lên) interprétée en duo parfait et en pleine harmonie par Bảo Vân et moi qui, en tant que frère et sœur, avait l'habitude de nous entraîner dès nos jeunes âges. Cette chanson, un appel au soulèvement, était d'une puissance qui venait juste après l'émotion suscitée par la chanson 'Còn ai thương dân tôi'. Au passage "Nous avons entendu résonner la douleur dans le bruit des chaînes aux pieds de nos sœurs, nous avons vu clairement l'amertume peser sur le joug entravant les épaules de nos frères, comment pouvons-nous les ignorer, comment pouvons-nous les ignorer ?" (Đã nghe tiếng xích xiềng vang niềm đau chân chị, đã thấy rõ cùm gông chĩu uất hận vai anh, mà làm ngơ sao đành, làm ngơ sao đành), je voyais le public se lever, applaudir et chanter en chœur.

Dans une telle atmosphère en effervescence, l'enchaînement se faisait avec la danse des épées, exprimant la poursuite de notre lutte, et ensuite avec la chanson en duo "Nous sommes encore là" (Ta còn sống đây). À ce moment-là, en écho dans la salle, le public criait également "Ta còn sống đây". Alors que l'atmosphère montait en flèche, un peu plus de calme se mettait en place avec la chanson "Ceux qui sont restés" (Những người còn lại) chantée en duo par Lê Đăng Khả et Phạm Quỳnh Dung. Quỳnh Dung n'avait pas la maîtrise technique d'un chanteur mais sa sincérité touchait profondément les cœurs. Cette chanson était composée par Khả, un autre exemple de création propre. Elle parlait des soldats qui poursuivaient leur lutte dans les maquis.

Puis, je chantais "Notre chemin est large et infini" (Đường ta đi rộng thênh thang vô tận), exprimant que le chemin devant nous s'était élargi. Venaient ensuite la chanson en duo "Déterminés à ne pas reculer" (Quyết không quay lui) et la chanson "Ta còn sống đây" qui était aussi le thème de la soirée du Tết. Ainsi, notre programme artistique partait d'un moment fort vers un moment triste, passait ensuite à un moment contemplatif puis incitatif et remontait en vigueur avant d'atteindre son apogée avec tout le monde chantant en chœur. Je sentais que le public était en osmose avec nous, il nous soutenait et telle une vague nous soulevait, sur scène, nous ressentions l'énergie venant de la salle nous pousser, nous propulser vers le haut.

En écoutant plus tard les enregistrements sonores du Tết, j'avais réalisé que, à part Thanh Trúc et Bảo Vân qui chantaient très bien, le niveau artistique de l'ensemble n'était pas très élevé. Mais l'état d'esprit était différent, c'était comme si le public accompagnait nos chants, même maintenant en réécoutant, je ressentais encore cette exaltation. À cette époque, nous n'avions que vingt ans, beaucoup ne savaient même pas où était leur famille, leur avenir était très flou, mais nous avions recueilli le soutien du public, comme si l'âme sacrée du pays avait pénétré dans mon cœur, dans notre cœur à tous. Et le chemin s'était ouvert à partir de là.

Phan Văn Hưng responsable artistique

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