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Mon AGEVP

A jamais en moi

Il a fallu attendre cinq ans !

30 avril 1975 – 30 avril 1980. Après avoir vécu cinq ans sous un régime, où on doit se méfier de tout, même de ses amis les plus proches, de vraie dictature, en mars 1980, j’ai pu enfin respirer un bol d’air de liberté. Je suis en France. Je suis à Paris. On se sent coupable de laisser des gens de la famille, des connaissances et, quitter le pays.
 
Ces cinq années passées sous le joug communiste, sont riches d’informations. Ce n’est plus du « on dit », mais du vécu ! Surtout la phrase prononcée par un ancien président du Vietnam. « Il ne faut pas écouter ce que disent l’autre camp, mais il ne faut regarder ce qu’ils font ! » s’est révélée véridique.

Le premier exemple qui me revient à l’esprit, c’est le Têt 1968. C’est de coutume, qu’une trêve s’installe entre les 2 camps, pour célébrer le nouvel an en famille. Mais le Têt 1968, a été l’exception. Ils avaient profité de cette pause pour lancer des attaques sur les villes. Pensant à tort que la population va se soulever et les rejoindre. Et là, c’est l’effet contraire qui s’était produit : les forces armées les ont repoussés. Encore de plus de jeunes, se sont enrôlés.

Un autre exemple : après le 30 avril, ils ont « invité tous les anciens militaires et fonctionnaires, pour un séminaire, qui va durer quelques jours ». La plupart de ces populations se sont présentées, avec grand espoir « encore quelques jours, et je tournerai la page. Je peux enfin m’occuper de la famille, et me reconstruire ! » En réalité, « ce n’est pas quelques jours », mais … Ils se retrouvent embarqués pour certains, vers une destination inconnue dans les forêts lointaines et profondes. Et c’était une personne différente qui s’en est sortie.

Quand je revois les images des populations civiles fuyant les zones de combat, celles du Viet Nam, me reviennent. La chute de Kaboul me fait revivre celle de Saigon.

Je ne me souvenais pas de la date exacte de ce mois d’avril 1980. J’allais participer pour la première fois, à un rassemblement de la communauté vietnamienne, pour commémorer ce fameux 30 avril 1975, où le peuple vietnamien avait tout perdu, avait été bâillonné. J’arrivais au métro Denfert Rochereau.

Je me sentais bizarre de revoir le drapeau national. Ces drapeaux aux trois bandes rouges, sur fond jaune, qui flottaient au vent. Je me mêlais à la foule de tous les âges. Et quand les premières notes de l’hymne national, s’égrenaient, malgré un lavage de cerveau de cinq ans, les paroles me revenaient. Et les larmes coulaient toutes seules sur mes joues. Je pense que parmi les centaines de personnes présentes ce jour là, je n’étais pas la seule personne, à vouer de l’animosité, au régime en place. Des dames âgées, à la démarche bancale, le dos vouté par le poids des âges, étaient là. Elles criaient leur haine, reprenaient presque à l’unisson, les slogans contre le régime.

Qu’elles sont belles les paroles de l’hymne national ! Qu’il est beau ce drapeau ! Pour ces paroles, pour ce drapeau, combien de personnes sont mortes ? Combien de personnes sont déportées dans des camps de travail forcé, et qui ne sont jamais ressorties ? Combien de familles éclatées, dispersées à travers le monde. Sans compter la disparition en Mer de Chine. Et dire que dans certaines démocraties occidentales, on saccageait, pour le plaisir de saccager, des monuments chargés d’histoire ! Ces personnes ont oublié qu’une communauté sans passé, n’aura pas d’avenir !

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Avec ma voix de stentor, j’avais nullement besoin de mégaphone pour haranguer la foule lors des différentes et diverses manifestations. Je me rappelais de celle, organisée, pas loin de l’ambassade du Viet Nam, pour réclamer la liberté de Trần Văn Bá, président de l’AGEVP, qui était rentré clandestinement au pays. Il était emprisonné puis exécuté. Il faisait froid ce début de l’année 1985. Ma femme m’accompagnait avec notre premier enfant dans le ventre. En rentrant à la maison, on se faisait tirer les oreilles par les beaux parents.

Lương Anh Tuấn aux Journées Sportives de Genève 1980

Cette date du 30 avril 1980, était plus ou moins le point de départ de mon engagement dans l’Association Générale des Etudiants Vietnamiens de Paris. En juillet 1980, je participais aux Journées Sportives des Vietnamiens d’Europe. Et elles avaient eu lieu à Genève. On était logé dans l’abri antiatomique de la ville. Et c’était une occasion de découvrir et mieux comprendre l’AGEVP. J’ai retrouvé d’anciens camarades du lycée à Saigon, comme Lê Tất Tố, et d’autres.

Les fêtes du Têt organisées au palais de la Mutualité (Paris 5e) étaient le point d’orgue d’une année. J’essayais de me rendre utile. « Trop raide« , j’étais mis à l’écart par Lệ Xuân, responsable artistique. Mais il y avait tant de tâches à faire pour ce jour. J’ai participé à la chorale.

Il y a une année, où en reculant, le chef de chœur, Phan Văn Hưng, a perdu l’équilibre et a failli tomber dans le trou du souffleur. Le public a éclaté de rire. Mais, comme des professionnels, les choristes sont restés impassibles. C’est seulement quand le rideau est tombé, qu’on s’est éclaté de rires.

Je me rappelais d’une fois, où on me confiait l’organisation des collations pour les bénévoles pour les 2 séances de répétition générale et du jour J. A moi, d’aller au marché de Rungis, pour acheter des clémentines et de la viande pour les sandwiches. Je me revois chargeant ma vieille voiture sous la neige, des cageots de fruits. De solliciter des mamans pour mijoter la viande. Il faut penser jusqu’au petit détail, pour que les bénévoles ne manquaient de rien.

Que de souvenirs dans l’organisation d’une soirée de Têt. La fois où j’avais la responsabilité d’organiser les plats chauds à la buvette. Ce n’est pas mal aussi. C’était du phở, pour l’occasion. Essayer d’anticiper le maximum de préparation pour éviter tout coup de feu ! Les jeunes me demandaient si je ne tenais pas un restaurant ? Et satisfaction du travail accompli, des efforts fournis, de ces mois de préparation, étaient les sourires, les compliments, les applaudissements des spectateurs.

Parler du Têt, il ne faut pas oublier de mentionner les campagnes de collage d’affiches. Toujours à partir de minuit. Fac Jussieu. On laissait le moteur de la voiture allumée et les portières ouvertes . Prêt à démarrer, au cas où les frères de l’autre bord arrivaient. Des fois, les 2 camps se rencontraient sur un même site d’affichage. On se surveillait du coin de l’œil. On se toisait du regard. Et la guerre des affiches peut commencer. On collait notre affiche par dessus la leur ! Et rebelote pour plusieurs couches.

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Toujours dans le cadre du Têt, il y a une année, tous les soirs, en rentrant du travail, j’écumais le 13e, le 5e, pour démarcher, restaurateurs, commerçants, pour insérer un encart publicitaire dans le numéro spécial Nhân Bản. Cette année là, ce fut le gros lot. Les mécènes avaient tellement répondu favorablement à notre demande, qu’on avait les moyens pour solliciter Polycolor, notre imprimeur de relier les pages du numéro spécial Nhân Bản. Auparavant, on les faisait à la main. On utilisait une grosse agrafeuse pour le faire.

Et je tombais des fois sur des commerçants pas drôles du tout. Je me faisais accompagner des fois, par un jeune. On n’est pas immortel. Il faut toujours former la relève. On était chez un commerçant de la rue Tolbiac. On n’avait pas même ouvert la bouche, qu’on est accueilli par une bordée de jurons en Vietnamien. Je restais stoïque, puis à un moment donné je commençais à parler comme lui. Un juron pour débuter la phrase. Un autre pour ponctuer la phrase et bien sûr, un dernier pour conclure. Le commerçant s’était calmé et on avait pu discuter sérieusement. J’avais eu mon encart. Mission accomplie. En sortant du magasin, le jeune me disait « Désolé, mais je ne peux faire ce métier ! » Et ce jeune, c’est Sáu Bi (un frère des Trung, Quốc, Nam).

Petite anecdote personnelle. Après la soirée artistique, on débarrassait la salle pour pouvoir danser. En pleine drague de celle qui allait devenir ma femme, je commençais à piquer du nez. La pression après tant de jours de travail, de préparation, retombait. Et 40 ans après, 2 enfants après, de temps en temps, elle me ressortait cette anecdote. Elle n’était toujours pas revenue de cette nouvelle forme de faire la cour.

J’étais connu, comme le loup blanc dans le 13e. A chaque fois que je franchissais la porte d’un commerçant , c’était le même accueil. « Vous allez organiser quoi, cette fois ci ? » Même si je faisais l’innocent, en lui répondant que je passais comme ça pour dire bonjour. ! Sa réplique fut sans appel, « Tu as besoin de combien ? » Ou cet opticien français des Olympiades, qui me faisait un chèque de 5 000 francs pour une campagne de publicité. Trente années après , il se souvenait encore de moi ! Ou une fois, j’étais en train de faire la queue devant le rayon boucherie de Tang Frères. Et une dame était venue m’interpeller. Elle me demandais si j’étais de l’AGEVP. Son souci c’est qu’elle n’avait pas reçu tel numéro du mensuel Nhan Ban de tel mois. J’avais pris ses coordonnées. Et avais fait vérifier . Elle avait raison.

Etant féru de badminton depuis ma plus tendre jeunesse, avec quelques amis, on a monté la section badminton, au sein de l’ASVN, qui regroupait plusieurs disciplines. Au début, les entraînements se déroulaient au gymnase Saint Merri (non loin de l’Hôtel de Ville de Paris). Puis on a déménagé au gymnase Glacière. Les créneaux d’entraînement étaient toujours complets. Et des fois, on était obligé de refuser du monde. Plusieurs jeunes que j’avais connu au pays, sont venus me rejoindre. Toujours la politique de la relève. C’est le cas de Hoan, son frère Hinh, et bien d’autres.

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En parlant de la section badminton de l’ASVN, il faut mettre en lumière, l’organisation du tournoi AGEVP de badminton. Il est ouvert aux joueurs licenciés à la Fédération Française de Badminton (Ffba) pour la 3e série et les Non classés. Les premières éditions se sont déroulées au gymnase Max Rousié Paris 75017.

Le tournoi AGEVP de badminton très apprécié pour sa dotation et sa buvette

En 1989, grâce à l’appui de Jacques Toubon, député-maire de l’époque du 13e, on avait déménagé notre tournoi à la halle Georges Carpentier, fraîchement rénovée. A cette occasion, Jean Brunet, Président de la FFBa nous avait prêté les tapis de sol fabriqués par Taraflex. Ce fut pour nous, et les joueurs participants, une occasion unique pour jouer sur des tapis de sol, sur lesquels allaient évoluer et fouler quelques jours plus tard, les meilleurs joueurs mondiaux, à l’Open de France organisé au stade Pierre de Coubertin. Cette compétition était devenue par la suite, « les Internationaux de France ».

Pour le tournoi, un business plan a été élaboré. La moitié des frais d’inscription était consacrée à l’achat des cadeaux et à la dotation. Cadeaux souvenirs pour tous les participants. On avait sorti le grand jeu pour attirer et fidéliser les participants. Une partie des recettes venait du reste des inscriptions, des sponsors de la brochure programme éditée pour l’occasion, des achats de nourriture au prix de gros. Moins cher que les restaurants asiatiques du coin. Servis avec le sourire. Telle était la recette gagnante des tournois AGEVP de badminton.

Le tournoi était doté par des cadeaux somptueux pour l’époque : sac Lancel, vaisselle de marque, etc.. Il y avait même une année, où le vainqueur du tableau C, avait reçu outre la coupe de vainqueur de sa catégorie, une semaine de location d’une semaine à Canet-Plage (en juillet). Le jeune homme avait failli m’embrasser, en découvrant ses lots. Et à la fin de chaque édition, on leur remettait un petit coupon, avec des questions leur permettant de nous noter, d’apporter des axes d’amélioration. C’était archaïque, mais n’oubliez pas qu’à l’époque (fin des années 1980), on était aux balbutiements de l’ère numérique.

Puis en 1992, mon entreprise a déménagé. Dorénavant, je suivais mais de loin, les activités de l’association.

Cette période 1980 – 1992, restera dans ma mémoire. Tant d’anecdotes, tant de souvenirs resteront gravés en moi. On était jeune (pas tant que çà !) et on croyait à un idéal. On ne se posait pas de questions, et on y va tout ensemble.

On fêtera cette année, le 60e anniversaire de l’Association. Pendant 60 ans, des générations de jeunes se sont adaptées à la conjoncture internationale, politique. Ils ont su sans cesse se réinventer, pour ne pas être décrochés. Et ils continuent de perpétuer l’esprit de nos aînés. « Ce fameux esprit », que beaucoup d’associations nous l’envient ! Cet esprit a été transmis oralement depuis 60 ans. Un esprit de partage ! De solidarité ! Je pense à ces anciens de l’association, qui étaient là dans l’ombre à donner un coup de pouce !

Tant que perdure cet esprit, l’AGEVP sera toujours là ! Et je l’espère de tout mon cœur !

Lương Anh Tuấn