Le voyage du destin
Cet article a déjà été publié dans la revue Sinh Viên publiée à l’occasion du Têt 1976.
Notes de Sinh Viên :
Midi, le 30 avril 1975, lorsque le véhicule blindé soviétique, piloté par un soldat du corps expéditionnaire nord-vietnamien, défonçait la clôture du Palais de l’Indépendance, mettant ainsi fin à une guerre de 30 ans, le navire Trường Xuân restait encore à l’ancre, immobile, au quai Kho 5 de Khánh Hội. Une heure plus tard, le Trường Xuân fendait les vagues du fleuve Saigon, entamant un périple audacieux avec à son bord 3 750 personnes (a) , sur un pont de seulement 422 mètres carrés. Le navire tomba en panne et s’échoua dans les marécages de la forêt de Rừng Sát, avant d’être remorqué par un petit bateau à une vitesse maximale de 2 milles marins par heure.
Après trois jours et deux nuits d’errance sur le Pacifique, le Trường Xuân fut secouru par le cargo danois Clara Maersk.
L’avocat Nguyễn Hữu Thống (b) a raconté ce « voyage du destin » dans un document de 3 000 mots en anglais intitulé : « I have escaped from South Vietnam on M/S Truong Xuan and Clara Maersk ». Nous vous en proposons ici la traduction à l’intention de nos lecteurs et des étudiants.
Notes de la rédaction du site :
des détails complémentaires ont été ajoutés en fin de document afin d’éclairer certains faits ou chiffres.

Je n’avais pas l’intention de partir.
Lundi 28 avril, le nouveau président désigné Dương Văn Minh demandait à tous les conseillers militaires américains de rentrer au pays dans les 24 heures. Depuis la veille, les communistes pilonnaient violemment l’aéroport de Tân Sơn Nhứt, interrompant tous les vols. Des hélicoptères prenaient des risques pour atterrir et extraire les familles et agents américains depuis les terrasses des immeubles.
L’opération d’évacuation « Phœnix » (Phượng Hoàng) s’était achevée le mardi 29 à minuit. La mission accomplie, les pilotes américains faisaient la fête sur les flots du Pacifique. Dans un climat de confusion et de terreur, j’avais pris ma décision : rester. L’attachement profond à ma patrie était une motivation sentimentale.
L’expérience du Cambodge constituait un raisonnement objectif.
Au Cambodge, le Congrès américain avait décidé d’interdire toute intervention aérienne. L’aide américaine avait été réduite au strict minimum. Et pourtant, Phnom Penh avait tenu bon pendant plusieurs mois. Dans ces conditions, Saigon ne pouvait pas s’effondrer, au moins d’ici un an.
En mars 1975, l’offensive générale de Printemps des communistes avait remporté des victoires décisives. Depuis les Hauts Plateaux, l’armée nationaliste s’était retirée sans livrer bataille (un retrait que l’histoire jugera). L’opération dite de « soulèvement des Hauts Plateaux » avait été déclenchée dès Juillet 1974. Sous le couvert de « l’autodétermination des peuples », le mouvement FULRO (c) avait brandi le slogan : « Les Hauts Plateaux aux peuples des Hauts Plateaux » !
Le président Thiệu n’avait pas pris conscience de ce danger. Thiệu n’était qu’un militaire et ne possédait pas l’envergure d’un stratège. La théorie des « Dominos » commençait à s’appliquer. Après Phước Long et Đức Lập, au tour de Ban Mê Thuột, Phú Bổ, Kontum et Pleiku de tomber. Puis toute la région côtière sombrait dans le chaos. Une défaite sans combat. Ce n’était pas une simple « évacuation tactique » comme Thiệu le prétendait, mais un échec stratégique.
Thiệu s’était retiré le 21. Il ne s’agissait pas d’un acte de sacrifice, mais bien une désertion, une trahison. Le vice-président Trần Văn Hương avait pris la relève pendant exactement une semaine. Puis au tour du général Minh d’accéder au pouvoir. Le nouveau gouvernement, bien que n’ayant pas encore suscité d’impact psychologique, ouvrait de nouvelles perspectives. Tout le monde espérait un cessez-le-feu. Les Américains étant partis, les Vietnamiens pouvaient désormais négocier plus facilement. Une lueur de paix apparaissait, après 30 ans de guerre.
Je ne faisais pas confiance à Dương Văn Minh, à cause de la position ambiguë de son camp. Cependant, le premier ministre Vũ Văn Mẫu était mon ami et le vice-président Nguyễn Văn Huyền un collègue. Je savais que tous deux n’étaient pas communistes.
Aussi j’avais pris la décision de rester.
Thiệu était parti, emportant avec lui l’impuissance, la corruption et la lâcheté. Le pays était désormais plus propre, les personnes de bonne volonté avaient l’opportunité de servir. Avec ces pensées rassurantes, mon frère et moi avions pris la voiture pour parcourir Saigon, tôt le matin du mercredi 30 avril.
Les bombardements de la nuit précédente avaient diminué, Saigon profitait de sa première journée de calme. Nous avons roulé sur l’avenue Thống Nhất, passant devant l’ambassade des Etats-Unis. La scène était chaotique ! Des gens démantelaient ouvertement les barrières, emportaient tables, chaises, matériels de bureau… Il s’était avéré qu’à 4h du matin, l’ambassadeur américain Graham Martin avait « replié le drapeau » et quitté les lieux. Ce drapeau symbole d’une alliance de vie et de mort ! Je me souvenais alors de l’image du repli du drapeau par l’ambassadeur Dean Gunther à Phnom Penh. C’était fini. La désintégration était si soudaine.


Depuis plusieurs jours, la radio des communistes vietnamiens (Việt Cộng) annonçait qu’ils célébreraient l’anniversaire de Hồ Chí Minh, le 19 mai à Saigon, rebaptisée « Hồ Chí Minh ville ». Chaque jour, ils se montraient plus intransigeants. Ils avaient commencé à exiger un désarmement « unilatéral et total » du camp nationaliste unilatéralement et totalement. C’était une reddition déguisée. Le « gouvernement de coalition » n’était qu’un mirage ou un piège. Le général Minh de 1975 n’avait pas la chance du maréchal Pétain dans les années 40. L’espoir d’un accord de paix s’était évanoui avec le départ du drapeau américain.
Et moi aussi, j’avais dû partir.
Nous avions pris la direction du quai de Bạch Đằng. Le fleuve offrait un visage de désolation. La nuit précédente, toute la flotte avait déjà quitté la mer de l’Est. Au quai Kho 5 de Khánh Hội, il ne restait que quelques rares navires marchands, abandonnés. Pas de sirène, pas de fumée noire et aucun marin en vue.
L’entrée du quai était fermée à double tour, des soldats en armes montaient la garde, interdisant strictement toute entrée ou sortie. Mon frère, comme moi, était pensif. Il était un officier de haut rang avec un passé anticommuniste. Contre nous, il ne pouvait avoir qu’une seule issue possible : la punition. Soudain, l’entrée du quai s’ouvrait. Une Jeep franchissait rapidement l’entrée. Quelle rare opportunité ! Mon frère descendait de voiture et, grâce à un “cadeau”, nous étions autorisés à pénétrer dans le quai. Nous montions à bord du navire Tân Nam Việt. Ce navire devait appareiller la veille au soir, mais l’équipage avait soudainement disparu. Le même scénario de « machines sabotées et équipages désertés » s’était produit sur les bateaux Tân Nam Việt (Nouveau Sud Vietnam), Bông Hồng 9 (Rose 9), Việt Đức (France Allemagne)et Trường Xuân (Printemps éternel). Le Việt Nam Thương Tín (Crédit Commercial du Vietnam), propriété de financiers, constituait une exception.
Pour empêcher les évacuations massives par avion, les Việt Cộng avaient bombardé l’aéroport de Tân Sơn Nhứt. Sur les quais, des commandos spéciaux sabotaient les moteurs et menaçaient les équipages. Cependant ces actes de sabotage restaient modérés, car le 1er mai, jour de la fête du Travail, le « Comité de Réception des Navires » projetait d’offrir au Parti les navires marchands encore bloqués sur place.
À bord du Tân Nam Việt, nous étions invités dans une cabine avec un ventilateur, de l’eau glacée et du pain (le propriétaire du navire était un vieil ami). Mais comme la passerelle avait déjà été retirée et que notre famille n’était pas encore arrivée — nous étions en vadrouille depuis 7h du matin — nous étions obliges de sauter du bateau pour aller rejoindre notre famille à bord du Trường Xuân. Quels autres choix avions-nous ? Việt Đức et Bông Hồng 9 étaient trop petits, et le Việt Nam Thương Tín était ancré au milieu du fleuve.
Trường Xuân était un cargo marchand de 2 500 tonnes. Son départ était prévu à 10h. À midi, le navire n’avait toujours pas bougé. Juste avant, le général Minh avait appelé les soldats à se rendre pour éviter un bain de sang. Le transfert de pouvoir devait avoir lieu à 12h. Contrairement aux souhaits de Minh, les Việt Cộng avaient refusé toute négociation. Le 30 avril à midi précis, un blindé soviétique, piloté par un soldat du corps expéditionnaire nord-vietnamien, défonçait la clôture et entrait prendre possession du Palais de l’Indépendance (en l’espace de dix jours, ce Palais avait vécu le drame de voir trois présidents se succéder pour finalement transmettre les pouvoirs à un 4ème commandant)…
Le capitaine du Trường Xuân, Phạm Ngọc Lũy (d), acceptait tout le monde à bord. Aucune rétribution demandée en retour. Il avait les traits d’Hồ Chí Minh mais la compassion du Bouddha. Vers 10h, il y avait environ 2 000 personnes sur le navire. Lorsqu’il partait à 13h, il y en avait jusqu’à 3 700, sur une surface d’environ 420 mètres carrés.

Sur 27 membres d’équipage, il n’en restait que 4 :
– le capitaine Phạm Ngọc Lũy,
– son adjoint Chất,
– l’opérateur radio Nguyễn Ngọc Thanh (e),
et le mécanicien en chef Lê Hồng Phi
Tous les autres avaient été remplacés par des personnes réquisitionnées : le lieutenant-colonel Hùng de l’armée de l’air, le lieutenant-colonel Hào de la police, le lieutenant-colonel Thinh de la marine, le major Nghĩa des parachutistes…
Trois commandos Việt Cộng avaient suivi à bord du navire avec pour mission de saboter les machines, saper le moral et semer la confusion. Le moteur tombait en panne et le gouvernail était endommagé. Le capitaine Lũy devait commander à la voix. Le lourd cargo fendait les eaux du fleuve Sài Gòn. Au loin, des bateaux de patrouille de la marine rebroussaient chemin, des chemises blanches en lambeaux flottant au bout des canons, en deuil d’une nation. Puis, les moteurs s’étaient tus. Le navire dérivait au gré du courant jusqu’à s’échouer dans les marécages, à 15 milles nautiques de Vũng Tàu. Deux patrouilleurs de la marine tentaient de remorquer le Trường Xuân, mais en vain : le navire était trop lourd, surchargé de fer et de passagers.
En cet instant de désespoir, le remorqueur Song An apparaissait soudainement. 2 bateaux de patrouille s’en approchaient, suppliant, menaçant, faisant des promesses et exerçant des pressions. Une fois le câble attaché, le minuscule Song An, tel une fourmi traînant un criquet, se mettait à remorquer le Trường Xuân. Comme une personne ivre, le navire tanguait à gauche, à droite, encore à gauche, puis à droite. Sa vitesse maximale était de 2 nœuds.
C’était la nuit la plus longue. Par moments, le câble se cassait en 2, il fallait le renouer. Et l’hélice se coinçait dans les filets, il fallait le délivrer. Le clair de lune était brillant et la ville de Vũng Tàu renvoyait au loin ses lumières vacillantes. Derrière nous, les éclats de feu d’artifice de Saigon en fête.
Nous dépassions Vũng Tàu à 7h du matin, le 1er mai. Les soldats Việt Cộng qui nous attendaient avaient tous quitté les lieux. Ils préparaient leurs propres célébrations (1).
Puis les moteurs du navire avaient fini par redémarrer. Sur ordre du capitaine, nous faisions une collecte pour remercier le remorqueur Song An (des commandos communistes avaient sauté sur le Song An; lors du trajet de retour, ils avaient assassiné le capitaine et les marins, pris possession du navire et volé les 6 millions de Đồng récoltés à bord du Trường Xuân).
Nous organisions un poste de commandement pour maintenir l’ordre. Le major Nghĩa mobilisait une section de parachutistes pour assurer la sécurité, désarmer, distribuer l’eau et assister le chef mécanicien Phi. Je recevais l’ordre d’assister le capitaine pour lire et rédiger les télégrammes.

À 10h30, nous atteignions les eaux internationales. Nous lancions un premier SOS. Dix minutes plus tard, un navire américain, le cuirassé Washington (nommé d’après l’État de Washington), répondait : il était en contact avec la Septième Flotte et nous faisait suivre. Nous précisions notre position : 9°50’ Nord, 107°09’ Est. Nous parcourions 17 milles nautiques dans la direction indiquée par la Septième Flotte, mais aucun navire de guerre américain en vue ! Puis Washington s’approchait, tout près de notre flanc gauche. Explosion de joie à bord. Un officier, trop excité, tirait alors une fusée de détresse. Cela n’avait rien de grave, mais le cuirassé américain, pris de panique, rebroussait chemin et disparaissait. Tous nos signaux suivants restaient sans réponse.
À 18 heures, nous lancions un deuxième SOS : « Du navire Trường Xuân / code XLVX. Plus de 3 000 réfugiés à bord venant de Saigon. Affamés et assoiffés. SOS non répondu. Beaucoup d’enfants à l’agonie. Demande d’aide d’urgence ». (2)
En ce moment de confusion, plus aucun bruit de moteur. Alors que toutes les attentions étaient portées vers le Washington, les commandos s’étaient infiltrés dans la salle des machines et avaient fermé les soupapes. Plus de fumée sur le pont, plus de lumière dans les cabines.
Nous avions enduré pendant deux jours et deux nuits, affamés, assoiffés, à l’agonie. Une goutte d’eau valait de l’or. Certains, dans leur désespoir, s’étaient suicidés, les vagues étant si calmes et la fraîcheur de l’eau si attirante (3). Je n’osais pas regarder mon enfant. Pendant des semaines, je n’avais rien préparé pour sauver ma famille, alors que j’en avais eu la possibilité. Au lieu de la sécurité, j’avais apporté à mon jeune enfant tant d’amertume et peut-être même la mort. Je n’osais pas regarder ma femme. Elle avait enduré tant de bouleversements. Mon caractère inflexible m’avait fait ignorer bien d’opportunités. En vingt ans de carrière, je n’avais pu offrir à ma famille qu’une vieille voiture et une maison de 60 m². Je n’étais pas diplomate avec mon franc parler. Ma devise était alors :
« Au grand jour, dans la clarté, avec droiture »


2 mai
6h45. Pour nous, le soleil s’était levé à 6h45. L’heure où nous avions émis le troisième signal SOS. Trois minutes de silence absolu. Thanh envoyait le SOS à la main, car l’émetteur était hors service.
“Notre navire est en panne, il coule !”
Quinze longues minutes passaient. Puis, nous recevions un message de Clara Maersk :
“Avez-vous contacté la marine américaine ?”
“Non,” avions-nous répondu. « Nous n’avions pas la fréquence ».
Et nous avons répété en anglais et en français :
“Pouvez-vous contacter l’US Navy ?”
Clara Maersk répondait :
“Oui, un navire américain arrive ! Un navire américain arrive !”
Et nous avions attendu, et encore attendu… Mais pas l’ombre d’un quelconque navire américain à l’horizon.
Presque 8h.
Avec des lacets, des élastiques et une variété d’autres outils étranges, le chef mécanicien Phi arrivait à réparer le moteur principal. Mais Trường Xuân commençait à prendre l’eau. La veille au soir, après une réunion, le capitaine Lũy avait décidé de faire demi-tour vers le Sud. Trường Xuân n’avait plus la capacité d’atteindre les Philippines tandis que la Septième Flotte américaine restait silencieuse (4). De temps à autre, les vagues environnantes nous renvoyaient l’écho :
“Quel navire est en train de couler ? Quel navire est en train de couler ?”
Vers 9h.
Thanh nous apportait un message de Clara Maersk :
“Nous sommes en train de localiser votre position. Nous arriverons dans 3 à 4 heures. Nous pouvons fournir de la nourriture et de l’eau potable mais nous ne pouvons pas embarquer beaucoup de passagers.”
Vers 11h. Trường Xuân envoyait à Clara Maersk :
“Merci d’avoir accepté de nous venir en aide. Vous prions d’aider tous les réfugiés. Nous avons un besoin urgent de nourriture et d’eau potable. Position à 3h GMT : 8°57 Nord, 106°58 Est, vitesse : 6 nœuds, cap 175.”
Réponse de Clara Maersk :
“Je peux accueillir quelques personnes, mais pas tout le monde. Nous vous fournirons de la nourriture, de l’eau et des médicaments !”
12h30 environ. Nous envoyions une délégation en canot vers le Clara Maersk. Le capitaine Anton Olsen nous recevait dans sa cabine. Selon lui dans deux heures, un autre navire danois de la même compagnie Maersk allait arriver. Il proposait que le Clara Maersk embarquait d’abord femmes et enfants, les jeunes hommes atendraient d’embarquer sur le prochain navire. Mais nous entrevoyions les difficultés : le second bateau n’était pas encore là, et si seules femmes et enfants embarquaient, on pouvait craindre désordres et bousculades. La majorité, constituée d’éléments violents, aurait piétiné femmes et enfants pour monter à bord. Beaucoup se seraient jetés à la mer pour tenter de monter les premiers. Finalement, personne parmi les femmes et enfants n’aurait pu monter. C’est pourquoi nous avions demandé au capitaine Olsen d’accepter tout le monde à bord d’un seul coup.
Presque 13h.
Nous retournions au Trường Xuân en canot. Le capitaine Lũy envoyait un message à son adjoint Chất, demandant d’éteindre les moteurs pour faciliter l’approche entre les deux navires. Mais soudain, le Trường Xuân accélérait de plus en plus. Pendant que nous négociions à bord du Clara Maersk, les commandos avaient saboté les tuyaux de pompage, et l’eau avait envahi le navire jusqu’à un niveau critique de 40 centimètres. Le Trường Xuân était donc contraint d’avancer à pleine vitesse pour évacuer l’eau.
Nouveau message de détresse adressé à Clara Maersk :
“Je ne peux pas jeter l’ancre, mon navire prend l’eau, il faut qu’il aille vite. Mon navire est trop lourd, il commence à couler. S’il vous plaît, approchez-vous. Sinon, c’est moi qui vais me coller à vous.”

3h45.
Abandon du navire. Les trois officiers et le capitaine quittaient le Trường Xuân en dernier. Sur le pont du Clara Maersk, je voyais le Trường Xuân tellement immense et désert. Le capitaine Anton Olsen me murmurait :
“Le navire est en train de couler.” (5)
Dans le journal de bord du Trường Xuân, Thanh avait écrit :
“Abandon du navire. Tout le monde évacué.”
Mais la vérité était un peu différente. Trường Xuân coulait, emportant avec lui un passager solitaire : le colonel Vong A Sang, leader Nùng, ancien député de l’Assemblée constituante, parlementaire, commandant de la 5ème division d’infanterie, décédé à l’âge de 72 ans.
Gratitude
Le sauvetage du Trường Xuân était un véritable miracle. Je rends grâce à Dieu pour nous avoir sauvés. Je propose que soit attribué le prix Nobel de la Paix 1975 au capitaine Phạm Ngọc Lũy du Trường Xuân et au capitaine Anton Olsen du Clara Maersk. Le duo Phạm Ngọc Lũy – Anton Olsen est bien plus méritant que le duo Lê Đức Thọ – Kissinger de 1974. Les 2 derniers étaient directement ou indirectement impliqués dans bain de sang au Vietnam. Les deux premiers, eux, n’ont tué personne. Ils ont sauvé près de 4 000 personnes. Quand les armes se sont tues. Pendant la Paix.
Notes de l’auteur :
(1) Les Việt Cộng avaient tiré sur les navires Việt Nam Thương Tín et Tân Nam Việt, causant la mort de l’écrivain Chu Tử et plusieurs blessés.
(2) Le navire transportait 3 750 personnes, dont 3 nouveau-nés, nés à bord du Trường Xuân et du Clara Maersk.
(3) Un colonel de police s’était suicidé d’une balle dans la tempe.
(4) Les Việt Cộng refusaient de reconnaître la limite des eaux territoriales à 12 milles nautiques et exigeaient les 50 milles. Les navires américains avaient donc dû attendre au-delà des 50 milles. Le Trường Xuân avait atteint les 17 milles nautiques puis sans espoir était contraint de retourner vers le Sud.
(5) En réalité, après l’évacuation des passagers, Trường Xuân s’était cabré et avait refusé de couler.
Notes complémentaires :
(a) 3 628 personnes dont 1 petite fille née à bord selon plusieurs autres sources. Le « bébé Trường Xuân » – Vũ Chiếu Ánh Lieberman – vis en Californie, Etats-Unis et tient un rôle de vice présidente dans une société spécialisée dans le commerce électronique.
(b) L’avocat Nguyễn Hữu Thống était 1er vice-président de l’Assemblée constituante de la 2ème République du Vietnam (1966-1967). Il était président de l’Association des Juristes Vietnamiens de Californie et assurait le rôle de conseiller juridique du Réseau Vietnamien des Droits Humains jusqu’à son décès le 10 Septembre 2018.
(c) Front Unifié de Lutte des Races Opprimées, organisation de lutte pour l’autonomie des ethnies montagnardes au Vietnam
(d) Monsieur Phạm Ngọc Lũy est décédé le 21/12/2022 à Sterling, Californie, Etats-Unis à l’âge de 103 ans.
(e) M. Nguyễn Ngọc Thanh était une figure connue de la communauté activiste vietnamienne à Paris dans les années 1980 – 1990 avant de décéder.
Camp de réfugiés de Hong Kong, Mai 1975
Nguyễn Hữu Thống
Le navire du Destin (Asia 32) – Mạnh Đình & Diệp Thanh Thanh
Chanson composée par le musicien Lam Phương à bord du navire
Trường Xuân Vượt Tuyến – Thanh Trúc (AGEVP)
Création : Nhân Bản Dân Tộc Văn Nghệ Đoàn Liège
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