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Décennie 1974 - 1983

Trần Văn Bá, Héros de la Résistance Vietnamienne

Le 8 janvier 1985, le nom de Trần Văn Bá entra dans l’histoire. Ce matin là à Thủ Đức, ville située à l’est de Saigon, Trần Văn Bá ainsi que deux compagnons Lê Quốc Quân et Hồ Thái Bạch furent fusillés sur ordre de la dictature de Hanoi, peu après avoir été condamnés à mort à l’issue d’un procès historique.
A l’occasion de la 40e année de sa commémoration, l’article ci-dessous à destination des Vietnamiens francophones nés après 1985 vise à relater les principaux éléments du procès, le contexte historique et les récits permettant de connaître Trần Văn Bá, devenu le héros de la résistance vietnamienne.

Déroulement du procès

Le 14/01/1984, 21 résistants appartenant au Front Uni des Forces Patriotiques de Libération du Vietnam (FUFPLV) ont été jugés devant le Tribunal Populaire Suprême du régime de Hanoi.

Le procès s’était tenu à Saigon, en séance publique.

Dans son réquisitoire, le procureur Trần Tế affirmait que dès janvier 1981, la sécurité intérieure avait détecté l’infiltration au Vietnam d’une “organisation d’espions”. Selon le document à charge, les dirigeants de l’organisation étaient Lê Quốc Tuý président, Mai Văn coprésident en charge des affaires extérieures, Huỳnh Vĩnh Sanh et Hồ Thái Bạch coprésidents de l’organisation à l’intérieur du Vietnam.

Le réquisitoire dénonçait en vrac un complot de la CIA, des services secrets thaïlandais et de la Chine accusée d’avoir financé et soutenu les activités de “l’organisation d’espions”. Rappelons que dans ces années là, le Vietnam, soutenu par l’URSS, était en conflit ouvert et armé avec la Chine communiste.

Dans sa conférence de presse à Paris, Lê Quốc Tuý, Président du FUFPLV confirma l’arrestation de membres de son organisation depuis 1980, et que le Front ne bénéficiait d’aucune aide extérieure, les accusations de soutien chinois, thaïlandais et américain ne visant qu’à discréditer la résistance. Les armes étaient fournies ou achetées auprès de cadres communistes vietnamiens, dont deux figuraient parmi les 21 condamnés au procès.

Concernant Trần Văn Bá, le réquisitoire notait :
Trần Văn Bá était président de l’Association Générale des Étudiants Vietnamiens de Paris dans les années 1970 jusqu’à 1980.

En 1980, Trần Văn Bá rejoignit le Front de Lê Quốc Tuý – Mai Văn Hạnh, partit à Bangkok en Thaïlande et se voyait confier le recrutement et l’entraînement de volontaires provenant des camps de réfugiés vietnamiens en Thaïlande. Trần Văn Bá était à l’état major, adjoint et représentant de Lê Quốc Tuý auprès des contacts thaïlandais, chinois et américains. Il était responsable du centre d’entraînement en Thaïlande et des opérations d’infiltrations au Vietnam. De 1980 a 1983, il avait dirigé 10 opérations d’infiltration au Vietnam, acheminant hommes, armes, matériel de communication et uniformes.

Un témoin du procès

K, membre de l’Association Générale des Étudiants Vietnamiens de Paris arrivé en France en 1990, se trouvait encore à Saigon en 1984 et eut l’occasion d’assister directement au procès des résistants Trần Văn Bá, Mai Văn Hạnh, Lê Quốc Quân, Hồ Thái Bạch, Huỳnh Vĩnh Sanh et 100 autres personnes.

Sans connaître aucun des accusés, un prisonnier avait attiré son attention lorsque le tribunal l’avait présenté comme un ancien président de l’Association Générale des Étudiants de Paris. Le corps frêle, le visage émacié, à chaque interruption de séance, Trần Văn Bá sortait de la salle de procès en boitant comme s’il avait un handicap à la jambe. Pendant tout le procès, on le voyait souvent la tête baissée, comme s’il ne voulait rien voir ni rien entendre du déroulement du procès. Même au moment de sa propre condamnation à mort, il ne manifesta aucune réaction.

K avait remarqué que le procès mentionnait beaucoup moins Trần Văn Bá que les quatre autres accusés, comme pour minorer son rôle au sein du Front Unifié des Forces Patriotiques de Libération du Vietnam. Il fut pourtant l’un des 3 seuls condamnés à mort.

Le verdict

S’agissant d’un tribunal “populaire”, donc stalinien, les verdicts étaient décidés à l’avance, les accusés n’ayant aucun droit, pas plus que l’avocat de la défense, dont le plaidoyer était limité aux aveux de culpabilité et aux demandes de pardon.

Après 4 jours de procès, les verdicts furent proclamés :

  • Condamnation à mort pour Mai Văn Hạnh, Trần Văn Bá, Huỳnh Vĩnh Sanh, Hồ Thái Bạch, Lê Quốc Quân.
  • Prison à vie pour Trần Nguyên Hùng, Tô Văn Hườn et Hoàng Đình Mỹ
  • De 12 à 20 ans de prison pour 13 autres résistants.

Trần Văn Bá refusa de reconnaître sa culpabilité et ne demanda aucune amnistie.

La condamnation de Mai Văn Hạnh et Huỳnh Vĩnh Sanh fut commuée en prison à vie après l’intervention du gouvernement français qui leur avait reconnu la nationalité française.

Pourquoi la condamnation à mort ?

Malgré sa condamnation à mort, Trần Văn Bá avait été peu mentionné dans le réquisitoire de 2 heures du procureur Trần Tế. Ce fut aussi le cas de Lê Quốc Quân et Hồ Thái Bạch : ils furent condamnés à mort sans véritable explication en dehors de chefs d’accusation attrape tout comme “Haute trahison”, “Espionnage”.

Les 3 condamnés à la peine capitale exerçaient un rôle de leader à l’intérieur ou à l’extérieur du Vietnam et pouvaient représenter une menace pour le régime.

Trần Văn Bá fut condamné à mort et exécuté car c’était un chef résistant d’envergure et jeune revenant au Vietnam après 12 ans passés en Europe, dont les activités étaient susceptibles d’avoir un impact important à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Hồ Thái Bạch était un leader du mouvement religieux Cao Đài, 3e religion du Vietnam par le nombre de fidèles et implantée dans le delta du Mékong. Il avait organisé des révoltes de la population de Tây Ninh de 1982 à 1984.

Lê Quốc Quân était enseignant et membre à responsabilité du mouvement religieux Hoà Hảo (4è religion au Vietnam). Il était également un officier de l’armée de la République du Vietnam.

Réactions en France et dans le monde

A l’annonce du procès, les communautés vietnamiennes en dehors du Vietnam s’étaient fortement mobilisées auprès des médias et responsables politiques, en particulier français, pour demander que le droit des accusés soient respectés.

En Australie, dans la ville d’Adelaide comptant 14 000 réfugiés vietnamiens, une pétition adressée au président français Giscard d’Estaing lui demandant d’intervenir en faveur des condamnés fut signée par 6 000 personnes, soit plus de 40% de la communauté.

En France, pour soutenir les accusés au Vietnam, le Comité International Tran Van Ba fut créé sous l’impulsion de Trần Văn Tòng, frère de Trần Văn Bá, avec la présence de personnalités européennes et américaines.

Le 21/12/1984, des centaines de personnes s’étaient rassemblées devant l’ambassade du Vietnam pour manifester en soutien aux condamnés à mort toute la nuit dans un froid glacial.

Le 24/12/1984, une cérémonie de prière pour les 21 condamnés fut organisée à Notre Dame de Paris.

Le 29/12, un rassemblement en faveur des condamnés fut organisé sur l’esplanade du Trocadéro réunissant plus de mille personnes avec la présence des officiels des religions catholiques, bouddhistes, Cao Đài et Hoà Hảo.

A Liège en Belgique, une plaque commémorative fut installée en 1988 puis une stèle en 2000, avec cette inscription : “Tran Van Ba, héros de la Résistance Vietnamienne exécuté par le régime de Hanoi le 8 janvier 1985.”

Aux États Unis, dans la ville de Falls Church en Virginie, une rue porte le nom de Trần Văn Bá.

En 2007, grâce à la mobilisation de la communauté vietnamienne aux États Unis, la Médaille de la Liberté Truman-Reagan fut décernée à titre posthume à Trần Văn Bá en hommage à son courage et son sacrifice. La médaille est attribuée chaque année aux personnes dans le monde comme Lech Walesa, Vaclav Havel en reconnaissance de leur combat pour la liberté et la démocratie, contre le communisme et les autres tyrannies.

Le projet CM-12 de Hanoi

Dans un document publié récemment par la Sécurité du régime, celle-ci aurait mis en œuvre en 1981 le projet appelé CM-12 s’étendant jusqu’en 1988 ayant pour but de faire échouer le Front Uni des Forces Patriotiques de Libération du Vietnam (FUFPLV).

Le projet avait été décidé par Phạm Hùng, à cette époque ministre de la Sécurité et membre du Bureau Politique, après que la sécurité du régime avait détecté une opération d’infiltration au Vietnam par Cà Mau, pointe au sud du Vietnam. Toujours selon le document, 10 organisations basées au Vietnam et connectées avec -le FUFPLV avaient été identifiées et mises en échec.

Compte tenu de la menace pour le régime, le projet CM-12 fut considéré comme prioritaire, doté de fonds dédiés et suivi par les autorités centrales. Dans une réunion d’état major, Phạm Văn Đồng, premier ministre à l’époque, aurait proposé à Phạm Hùng d’utiliser les fonds spéciaux des services du Premier Ministre si nécessaire.

La direction opérationnelle du projet CM-12 était confiée aux forces de sécurité de la province de Kiên Giang dirigées à l’époque par Nguyễn Tấn Dũng, qui devint bien des années plus tard Premier ministre du régime (2006-2016).

Le contexte historique au début des années 80

En 1980, année du retour clandestin de Trần Văn Bá au Vietnam, le régime communiste vietnamien manquait encore d’assise au sud Vietnam, 5 ans après la chute de Saigon. Le conflit armé entre la Chine et le Vietnam, pourtant deux pays sous régime communiste, venait de cesser en 1979.

Le puissant voisin chinois restait menaçant, le régime de Hanoi dirigé par les cadres communistes du nord était rejeté par la population du sud et du centre du Vietnam. La population accablée par la misère et l’oppression dans un pays fermé à double tour fuyait par centaines de milliers par la mer dans des bateaux de fortune, faisant découvrir au monde entier la tragédie des boat people vietnamiens.

Dans cette première moitié de la décennie 80, la résistance armée était considérée par beaucoup de vietnamiens comme le seul mode de lutte à l’intérieur du Vietnam. A cette époque, les mouvements de résistance armée contre le régime de Hanoi bénéficiaient d’un large soutien au sein des communautés de réfugiés vietnamiens en Europe, en Amérique et en Australie.

Les raisons du retour

Parallèlement aux activités associatives, Trần Văn Bá cherchait activement à rejoindre une organisation de résistance armée opérant à l’intérieur du Vietnam car il avait toujours considéré que les problèmes du Vietnam doivent trouver leur solution au Vietnam. Dans son discours à la soirée du Têt 1979 à Paris, un an avant son retour pour rejoindre la résistance, il affirma « que tout changement favorable de la situation au Vietnam ne peut que venir des résistants qui œuvrent depuis 3 ans dans les maquis, luttant pour l’avenir du pays et contre sa menace de disparition« .

Trần Văn Bá avait l’habitude de dire “Je veux simplement que les vietnamiens puissent disposer de quoi vivre et s’habiller”.

Il retourna au pays pour rejoindre la résistance, non par goût du danger, ni par esprit de vengeance encore moins pour restaurer un quelconque statut.

Il avait dit et écrit: « personne ne peut obliger autrui à devenir un héros« . Il était rentré animé par l’amour profond de son pays, déterminé à quitter le confort pour rentrer partager les souffrances de son peuple. Il était rentré avec l’espoir et la conviction d’être un élément d’un soulèvement populaire, d’une tempête qui emporterait la tyrannie.

AGEVP, la deuxième famille

Trần Văn Bá était président de l’Association Générale des Étudiants Vietnamiens à Paris (AGEVP) à plusieurs reprises, de 1970 à 1980.

En 1980, Trần Văn Bá retourna seul et clandestinement au Vietnam, accompagné par aucun de ses amis au sein de l’AGEVP pourtant proches de lui comme une deuxième famille. Il s’était confié à ses amis qu’il tenait à ce que l’AGEVP continue sur sa voie d’association étudiante en France, alors qu’il irait jusqu’au bout du chemin qu’il s’était choisi.

N’entretenant aucun lien avec l’organisation de résistance que Trần Văn Bá avait rejoint, le Front Uni des Forces Patriotiques de Libération du Vietnam (FUFPLV), les membres de l’AGEVP savaient peu des années d’existence de Trần Văn Bá après son départ de Paris en 1980, de ses années dans la résistance jusqu’à son arrestation en 1984.

Conscient de l’ardeur sincère mais encore estudiantine de ses amis et des risques et dangers de son propre parcours à venir, Trần Văn Bá tenait secrets ses préparatifs pendant ses années à Paris. Il avait simplement annoncé qu’il rentrerait au pays jusqu’à son départ effectif un jour de juin 1980, après avoir discrètement dit au revoir à quelques amis proches, leur promettant de les contacter pour faire connaître la suite lorsqu’il aurait une meilleure connaissance de la situation sur place.

Deux années plus tard, l’AGEVP reçut une lettre de lui postée de Saigon. Dans la lettre, il demanda des nouvelles de chaque personne nommément, et écrivait peu sur lui-même. “Vous êtes sûrement très occupés ? (…) Comment vont les demoiselles ? (…) Pour ma part, rien de spécial, la vie est dure mais je suis en harmonie avec moi-même et ma patrie martyrisée. La voie que j’ai choisie est semée d’embûches mais je me dois d’aller jusqu’au bout, sans tolérer aucune déviation ni hésitation.”

Après avoir rappelé à ses amis de ne laisser quiconque abuser de l’enthousiasme de leur jeunesse, il conclut : “Avec peu de mots mais beaucoup d’affection, je vous salue, portez vous bien”.

La disparition de Trần Văn Bá représenta un deuil brutal, un choc émotionnel pour la famille de l’AGEVP. Avec le temps le vide avait laissé la place aux souvenirs précieux, son exemple de sacrifice nourrissait l’esprit de l’AGEVP et représentait un honneur laissé aux générations suivantes.

Commémoration annuelle à Paris

Chaque année, l’AGEVP, avec les anciens de l’Association et le soutien d’associations amies, organise une commémoration pour rendre hommage à son ancien président et héros national. L’événement est organisé à Paris ou dans les environs, à une date proche du 8 janvier, jour de l’exécution de Trần Văn Bá. De 1986 à 2010, la commémoration était organisée par l’Association Générale des Étudiants Vietnamiens de Paris (AGEVP), dont Trần Văn Bá avait été le président emblématique dans les années 1970 à 1980.

En 2011, à la suite du changement de Bureau exécutif de l’AGEVP, la commémoration n’avait pas eu lieu.

Depuis 2012 jusqu’à ce jour l’Association Tran Van Ba Pour la Liberté et la Démocratie, fondée par d’anciens compagnons de Trần Văn Bá et 3 anciens présidents de l’AGEVP, a pris le relais pour organiser la commémoration annuelle avec le soutien actif de l’AGEVP.

En 2025, pour marquer la 40è commémoration, l’événement est organisé conjointement par les deux associations amies à la grande pagode Khánh Anh à Evry, samedi 11 janvier 2025.

40è Commémoration de Trần Văn Bá

Extraits du discours du président de l’AGEVP à la Commémoration du 11/01/25

Phạm Nam Anh, président de l’AGEVP a prononcé un discours en vietnamien au nom du Comité Organisateur, dont voici un extrait traduit en français :

« (…) Depuis quelques années, Le bureau exécutif de l’AGEVP est majoritairement composé de jeunes adultes nés en France. Nous n’avons pas eu la chance de connaître Trần Văn Bá de son vivant.
Néanmoins, sa mémoire nous a été transmise et il est aujourd’hui la figure emblématique du combat que mène l’AGEVP depuis sa création.

L’année suivant la chute de Saigon en 1975, Tran Van Ba prononça une phrase qui résonne encore dans nos têtes : “Nous sommes encore vivants”. Ces mots, à la fois simples et forts, eurent une portée mondiale au sein de toutes les diasporas vietnamiennes.

Des années plus tard, en 1980 Tran Van Ba est rentré au Vietnam pour rejoindre le mouvement de la résistance. Son exécution sanglante, il y a 40 ans, est la preuve que le combat que nous menons est légitime.

L’AGEVP continuera d’honorer sa mémoire afin que la jeunesse entende parler de cet homme et du combat qu’il a mené.”

L’homme à travers les souvenirs

Les souvenirs des années où Trần Văn Bá vivait à Paris restent nombreux et vivaces, en voici un échantillon raconté par ses amis :

Olivier Todd (écrivain journaliste décédé à Paris en décembre 2024)
Après le 30 avril 75, partout, à tous, sans s’arrêter aux étiquettes « gauche », « droite » qui l’agacent; Bá explique son point de vue : il faut poursuivre le combat. Il rencontre aussi bien un André Glucksmann qu’un Jacques Toubon. Meneur et organisateur mais brouillon, Ba charme et agace. Son dévouement est sans limites, comme ses retards. Il pose des lapins, puis s’excuse d’un air mystérieux : « J’avais un rendez-vous avec une personnalité. »

Trần Đình Thục (Californie) : « Petit et maigre, Bá dégageait un certain charisme auprès de ses amis, mêlant douceur et franchise. Il était chaleureux et attentionné, de manière parfois maladroite mais toujours sincère.

Après 1975, le noyau de l’AGEVP s’installa dans un appartement du 6e étage à Bourg la Reine, en proche banlieue. Bá et une dizaine d’amis y vivaient dans 3 pièces, partageant chaque nourriture, chaque boisson. Nous nous sentions orphelins mais avions le moral élevé ; les soirées du Têt du Vietnam libre étaient organisées à la salle de Maubert Mutualité une semaine avant celles des communistes, les opérations de collage d’affiches du milieu de la nuit jusqu’au matin, les nuits blanches de commémoration et de débats du 30 avril, toutes ces activités, nous les menions avec enthousiasme. Au milieu de ses amis, Bá nous inspirait par son intégrité et son honnêteté. Bá menait une vie austère voire pauvre…il avait sa famille, sa mère, sa sœur et son frère à Paris mais préférait rester avec ses amis. »

Trần Văn Bá
Portrait de Trần Văn Bá par Trần Đình Thục

Lê Hữu Đào (Liège)
Avec sa grande culture et son tissu de relations étendu, Bá avait fortement contribué et de manière pratique aux orientations prises par le Congrès des Vietnamiens en Europe en faveur de la liberté au Vietnam. Il avait consacré beaucoup d’efforts, mis tout son cœur à rencontrer et échanger individuellement avec nombre d’entre nous en Europe. Les discussions étaient parfois tendues (il était connu pour son chaud tempérament), mais toujours dans un esprit de respect mutuel.

Trần Văn Bá avait le contact simple et naturel, aimait plaisanter et restait accessible. Personnellement, je me rappelle encore de ma première nuit de collage d’affiches, lorsque j’étais encore au lycée. Les jeunes membres de l’AGEVP, étudiants pour la plupart, se donnèrent rendez-vous à la résidence de la Cité Universitaire, se regroupant autour dune marmite de soupe, et anh Bá nous accompagnait ce soir là. Nous descendîmes ensuite entamer notre nuit de collage d’affiches dans un froid glacial, répartis par petit groupe de trois. Anh Bá était à mes côtés et aucun de nous trois n’avait de brosse ni d’outil pour appliquer la colle. En ricanant anh Bá me disait « t’inquiète donc pas, laisse-moi faire« , puis plongea sa main dans le pot de colle glacé, l’appliqua sur les affiches et les colla successivement au mur. C’est ainsi que je pris goût au collage d’affiches.

L’esprit Trần Văn Bá

Il avait l’habitude de dire « J’aspire seulement à ce chaque vietnamien puisse disposer d’un áo bà ba » (vêtement traditionnel du paysan vietnamien). L’esprit Trần Văn Bá est simple comme ce vêtement. C’est l’amour du pays et de son peuple, poussant à trouver des solutions à ses souffrances malgré le prix à payer.

L’esprit Trần Văn Bá, c’est l’esprit d’engagement, un amour sincère et profond pour son pays et la fidélité aux valeurs de liberté et de démocratie. L’exemple et le sacrifice de Trần Văn Bá resteront en mémoire et les valeurs que Trần Văn Bá à transmises ont plus de sens que jamais et qu’il faut continuer à promouvoir.

Depuis 2016, le Prix Trần Văn Bá est organisé chaque année pour rendre hommage aux personnes au Vietnam qui osent défendre avec courage et au péril de leur vie la justice, la liberté et la souveraineté dans leur pays.

40 ans après

En 1979, dans son discours à la soirée du Têt à Paris, Trần Văn Bá, 34 ans disait « Les Vietnamiens fuient leur pays en masse car un pouvoir oppressif a usurpé tous leurs droits humains et menace leur sécurité. La solution est que chaque vietnamien puisse vivre dans son pays sans que sa dignité ne soit bafouée, sans craindre pour sa sécurité.

40 ans après la disparition de Trần Văn Bá, les problèmes dramatiques liés au Vietnam qui se posaient à lui et avaient conduit à son sacrifice restent entiers pour les Vietnamiens d’aujourd’hui. La tragédie des boat people est passée et la résistance armée ne constitue pas une solution, mais les droits humains des Vietnamiens continuent d’être bafoués par le même pouvoir oppressif.

Les violations des droits de l’homme et de la dignité humaine continuent d’être dénoncées par les organisations internationales HRW (Human Rights Watch), Amnesty International, RSF (Reporters Sans Frontières) qui classent le Vietnam parmi les pires pays dans le monde pour les droits humains.

Depuis longtemps le régime de Hanoi est devenu un satellite de la Chine, qui empiète sur le territoire du Vietnam. « Cruel avec le peuple, lâche face à l’envahisseur » comme le décrivent les vietnamiens à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Il y a plus de 40 ans, un jeune trentenaire animé d’un amour immodéré et sincère pour son pays retourna dans sa terre natale pour partager le triste sort de son peuple et lutter pour son avenir.

Aujourd’hui, au Vietnam de nombreuses personnes sont emprisonnées, payant un prix élevé pour eux-mêmes et leur famille pour leur engagement non violent. Ils sont pour la plupart jeunes, nés bien après 1985, provenant des 3 régions du pays. Leur crime ? Avoir osé dire la vérité sur les injustices et réalités du pays et s’engager pour une société meilleure. Sur leur chemin périlleux les héros des résistances passées représentent autant de phares guidant leur pas. Et l’un d’eux est Trần Văn Bá.

Trần Lam Sơn

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